Depuis la
fin de 1914, la guerre a pris une tournure qu’aucun gouvernement n’aurait
imaginée aux premiers jours du conflit. Une nouvelle vie s’installe pour les
soldats, obligés de vivre entre une mort hasardeuse à l’assaut ou au détour
d’une tranchée et dans un univers d’acier et de boue. S’ajoutent encore la
médiocrité de la nourriture et la rareté des permissions ce qui accentue la
morosité générale. Au printemps 1917 cette morosité passe subitement au refus
catégorique d’aller à l’assaut : la désobéissance gagne rapidement les
deux tiers des divisions françaises et certains soldats tentent même d’aller à
Paris rencontrer les députés pour les informer de leur sort.
Les mutineries
On parle
bien souvent des mutineries de 1917 mais il ne faut pas donner à son sens une
expression trop forte. Les soldats français ne refusent pas la guerre mais un
certain type de guerre : une guerre inutilement sanglante, un assaut dont
on sait à l'avance qu'il ne mènera à aucune possession supplémentaire. A cette
première revendication, s’ajoute la volonté de voir s'améliorer leurs
conditions d’hygiène et de bénéficier de permissions plus nombreuses. A long
terme, ces mutineries auraient pu être néfastes si quelques officiers n’avaient
pas compris la situation inédite que cette nouvelle guerre engendre. Philippe
Pétain est l’un d’entre eux. Ce général, qui se rendra si tristement célèbre
près de vingt-cinq ans plus tard, réagit en jouant le conciliateur entre une
nécessaire fermeté et une judicieuse compréhension. Il améliore les conditions
et la régularité des permissions, gracie, par un décret de juin, la grande
majorité des condamnés à mort et redonne à l’armée les moyens de ne pas sombrer
dans l’indiscipline généralisée.
La Révolution Russe
L'année 1917
est aussi celle d'une crise politique russe. Si l’on donnait à la Russie le
surnom de " colosse aux pieds d’argiles ", c’est bien pour
souligner à la fois la force de son armée en nombre et la faiblesse de celle-ci
et de la société Russe encore archaïque dans son équipement général. La Russie
ne peut pas soutenir une guerre contre un ennemi plus fort, mieux équipé et
mieux organisé. Les défaites se succédant, la lassitude et le désespoir gagnent
l’ensemble de la population. L’effort que demande une guerre, production
industrielle et agricole accrue, engendre un rationnement de la population et
des troubles sociaux dont le chômage n’est qu’un exemple. Au début de l’année
1917, la Russie est épuisée, les désertions se multiplient et les villes
connaissent des troubles d’approvisionnement qui rendent la situation
explosive. Il suffit de peu pour que tout éclate. Tout a débuté à Pétrograd (St
Peterbourg) avec des manifestations dénonçant le chômage et la faim alors que
la force ouvrière menace de paralyser l’industrie par des grèves. Les chefs de
l’opposition socialiste se servent des troubles mais l’état répond
autoritairement par l’ajournement de la Douma (assemblée Russe) et fait tirer
sur la foule. Les choses empirent, l’armée se joint aux manifestants et le
gouvernement est dépassé par les événements. Le 12 mars, les ministres
démissionnent et Nicolas II ne réagit pas. Les révolutionnaires sont surpris de
leur victoire facile et s’organisent pour créer un gouvernement provisoire
parlementaire.
Mais ce
gouvernement porte en lui les germes d’une discorde plus grande. Alors que son
chef, Milioukov, assure aux alliés inquiets sa volonté de poursuivre la guerre,
les soviets socialistes exigent la paix
(conseil de représentants ouvriers et militaires). L’Allemagne accélère les
événements en Russie en permettant à Lénine et aux bolcheviks de gagner la
Russie le 16 avril. Milioukov démissionne le 15 mai, la Russie n’est plus une
force d’attaque et les alliés craignent une intensification de l’effort
allemand à l’ouest. En octobre, Lénine organise la seconde révolution et lance
des pourparlers de paix amenant à l'armistice en décembre, puis au difficile
traité de Brest-Litovsk (mars 1918) qui enlève à la Russie de riches terres.
L'entrée en guerre de l'Amérique
Un allié se
retire, un autre prend part au conflit. Si en 1914 le président américain
Wilson engage une politique de neutralité, celle-ci ne va guère durer puisqu'à
la fin de l’année, l’Entente le sollicite pour une coopération commerciale et
financière. En 1915, l’Entente reçoit donc des vivres et des armes par
l’Atlantique ce qui engage l’Allemagne à réagir par la guerre sous-marine.
Wilson ne pouvait avoir à la fois la garantie de l’immobilisme allemand et les
recettes considérables d’un tel commerce. La guerre sous marine s'amplifie dès
février 1917, poussant Wilson à prendre une décision. Il attend, hésite,
s’assure le soutien de la population en cas d’engagement militaire et le 2
avril, les Etats-Unis entrent dans le conflit suite au vote du Congrès.
L’équilibre des forces va être brisé mais la force Américaine ne peut être
opérationnelle avant le printemps 1918. L'Entente va t-elle tenir
jusque-là alors que la Russie se dégage peu à peu du conflit?
Même à court
terme, l’entrée en guerre des Etats-Unis engendre de grands avantages pour les
alliés. Les échanges commerciaux et financiers se multiplient, la mise en place
de 35 torpilleurs permet de combattre la guerre sous-marine et instaure une
sécurité maritime. Enfin, l’exemple américain engage des pays d’Amérique du sud
à entrer dans le conflit aux côtés de l’Entente (Brésil, Uruguay, Pérou).
L'année 1917, par les événements qu'elle contient, est le tournant de la
guerre.
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